Sunday, August 20, 2006

Bakchich

Un représentant des forces de l’ordre surveillait la cour en permanence. Il était entendu que chacun devait lui remettre une sympathie avant de commencer son travail. Il se chargeait de rappeler cette coutume aux travailleurs de passage.
Cette fois, je l’avais devancé : j’avais confectionné une ceinture de buste façon cartouchière à partir d’un assemblage de boîtes de bière. Je m’étais donné de la peine. La principale difficulté avait été d’assortir les couleurs à la vareuse bleu marine à boutons dorés. Après réflexion, j’avais opté pour des boîtes Bavaria 8.6.
Sa mine indiquait qu’il s’attendait à autre chose. J’étais désemparé. Ne souhaitant pas l’abandonner à sa manifeste déception, je proposai de lui apporter, lors de ma prochaine venue, toutes les pièces nécessaires à la fabrication d’une guitare lapsteel et d’un dobro G8. Il était sous-entendu que j’assemblerais les instruments sous ses yeux, au beau milieu de la cour et que cette activité constituerait mon travail. Cette promesse le rendit heureux comme un pape.

Sunday, August 13, 2006

Skimboard


Le miroir s’amenuise dans l’épaisseur des molécules jusqu’à l’évanouissement par l’infinité des interstices. Le transport est engendré à la surface par le claquement de l’aile d’un moustique. La trajectoire s’engouffre dans l’appareil du paysage qui prend le temps nécessaire pour la digérer. On s’applique à réaligner la fuite sur les lointains échos du ressac. Chaque dissonance se traduit par un froncement du miroir qui se met à avaler comme une chasse d’eau au moindre entêtement. Les échos du ressac sont détectés par une gigantesque oreille plantaire. Le déhanchement d’une flammèche verrouille l’accord. Le verrou cède lorsque l’écume s’ouvre comme un parachute. Il faut alors courber l’échine et reproduire le cycle infiniment afin d’écrire un instant dans l’immensité. L’instant total est un prisme qui consigne toutes les couleurs. L’oreille plantaire goûte chaque nuance avec les papilles d’un tâtonnement d’indien. La mémoire s’organise en strates sous le voile d’un linceul cellophane. Les pieds tout doucement dans l’eau froide piétinent ses petits cris argentés qui percent droit au cœur.