Tuesday, November 28, 2006

Hairway to Steven (4/5)

Hairway to Steven
(la fête du travail)

la fête du travail_64kbs

j’ai pris conscience du petit Jésus
quand nous nous sommes retrouvés
sans chauffage ni eau chaude
bien qu’échoués sur un écueil fantastique
nous misions sur une issue scientifique
nous avions cru échapper à cette situation
en combinant le principe des vases communicants
à celui de la motricité des champs de pression
nous avons donc entrepris le remplissage des radiateurs
équipés d’une unique bouteille de liquide vaisselle
il a suffi que la dignité du fils tourne le robinet
pour que nous revêtions des culottes courtes
avec chaussettes de polyester et claquettes bleu marine

j’ai emprunté les rues comme des couloirs de labyrinthe
avec le dessein de m’éloigner de ce foyer de désolation
j’en ai profité pour arpenter le désert de l’esplanade
qui s’étend jusqu’aux pieds des remparts à franchir
pour pénétrer dans le foyer des gradins noirs
une odeur de chaleur longeait le mur de l’abattoir
à la jonction de deux grosses artères
un troupeau de tanks grillait le feu
le bitume ondulait comme de l’écume
le sillage devenait un jardin d’asphalte
bêché par des mémoires de forçats
les témoins n’étaient plus de cette ville

de retour dans la maison tapissée d’enfance
un artisan ouvrier fouillait dans ma gazinière
debout sur une chaise l’échine butée au plafond
Maria Dolorosa était plantée dans ses talons compensés
ses yeux épaissis par des lunettes m’ont désigné
lorsque j’ai pénétré la discrétion de mon réduit
peuplé comme un autocar en excursion pour Lourdes
Maria Dolorosa et l’artisan ouvrier s’y entretenaient
à côté de la nuque contrite de mon ami
ses pauvres oreilles affichaient la sentence de ma faute
comme une banderole accrochée à la queue d’un avion
son œil était celui de l’éléphant apeuré qui pardonne
figé dans le silence de la tendresse qui le remplit
j’avais abandonné la pieuse atmosphère de mon réduit
l’artisan ouvrier s’échinait donc à fouiller dans ma gazinière
ma cervelle délinquante lui volait la fête du travail
sa rancœur s’est ouverte en une queue de paon
lorsqu’il m’a détaillé la technologie des fusibles
comme on l’expose à l’attention d’un chien-chien débile
Maria Dolorosa maniait les techniques de la terre brûlée
son hasard personnel désigna mon ami pour la corvée
il s’agissait d’ouvrir le ventre d’un aspirateur franco-belge
sans porter atteinte à la grosse panse à poussière
le malheur avait été clairement annoncé sur le Sinaï
et lorsque mon ami a croisé l’ange aux cheveux d’or
son chandail était gorgé de la poussière d’une génération

juste avant que ma jeunesse ne soit incorporée
j’ai souhaité rendre visite à Maria Dolorosa
elle s’est montrée disposée à la réconciliation
pensait-elle qu’on allait étouffer mon pucelage
comme une pomme de terre dans mon œsophage ?

Tuesday, November 14, 2006

Hairway to Steven (3/5)

Hairway to Steven
(le mystère de l'ange)

le mystère de l'ange_64kbs

l’immeuble brouille les pistes
il coupe l’empreinte des racines
l’immeuble est une case fermée
par des plans de symétrie
l’immeuble est construit de manière
à interdire l’intrusion ascensionnelle
mais l’immeuble ne grandit jamais seul
le foisonnement des murs aménage des passerelles
qui multiplient les constructions interférentielles
ainsi devine-t-on les voisins du dessous
par leur spectre projeté sur la façade d’en face

tout commence par un indice troublant
de la fine filasse dans le siphon de la douche
de la paille délavée par des litres de shampooing
diaphane au point d’interdire toute identification formelle
à partir d’un nuancier de coiffeuse
il faut alors provoquer l’imaginaire
en apostrophant l’oracle par les trous de l’hygiaphone
une bonne et vieille pomme de douche fait l’affaire

il est utile de conserver une perruque
dans un compartiment de sa caisse à outils
pour garantir l’étanchéité des tuyauteries
au mépris de toute justification théorique
ce procédé est d’une efficacité renversante
sa découverte s’appuie sur une observation
maintes fois reproduite dans notre quotidien
l’eau ne s’écoule pas quand l’évacuation
est obstruée par les cheveux d’un ange
l’étanchéité à la jointure des tuyaux d’eau
peut donc être assurée par une perruque

l’ange était vêtu d’une serviette éponge
en procédant comme l’ouverture d’une fenêtre
dans la façade de l’immeuble d’en face
son œil se concentrait à projeter les spectres
son mystère ne se percerait que par le renfort
des techniques d’approche médiumniques
le kiné–pilon trône dans la stratégie d’un angle mort
faute d’indice l’imaginaire est privé de fondement
la pratique médiumnique n’est d’aucun secours
le gaillard ne peut être appréhendé qu’a posteriori
il faut laisser la sauvagerie boucher le siphon
en se lamentant sur son propre désarroi
puis se livrer à l’extraction au moyen d’une ventouse
la ventouse est le haut-parleur de l’oracle
lorsqu’il raille notre indécrottable maladresse
la véritable naissance du téléphone
remontera au jour où l’on parviendra
à assembler une ventouse et une pomme de douche
telle le cœur des trompettes de Jéricho
la véritable sonnerie du téléphone annoncera
l’engloutissement irrémédiable du kiné-pilon
mais simultanément se noiera le mystère de l’ange
dans toute sa cruauté prend corps la vitale question
du moratoire des activités téléphoniques