Sunday, October 29, 2006

Hairway to Steven (2/5)

Hairway to Steven
(le kiné-pilon)

le kiné-pilon_64kbs

j’étais entouré d’un kiné-pilon
je grandissais dans un encaissement
ma perspective s’allongeait sur un mur
l’horizon vertical se racornissait
sous l’attraction de la soif
je suffoquais à grosses gouttes
dans le tonneau de la cloison
derrière l’épaisseur de la tapisserie
le kiné-pilon jouissait de l’espace
qui se dépliait comme un éventail

une dame en tenue saluait mon trajet
les volants de sa jupe en viscose
tombaient d’une altitude quelconque
sur des bottes à fermeture éclair
elle articulait très normalement
avec le naturel d’une doctoresse
dans une consultation à domicile
le glouglou de la dinde au dindon
se prolongeait tant que le kiné-pilon
versait du Côtes du Rhône dans la doctoresse
le glouglou finissait par m’effilocher
puis je m’éveillais dans le tonneau
éclairé d’un jour que je sacrifiais
à l’enfantillage d’une maturité suisse

la science devait se mettre en branle
l’affaire relevait du principe des vases communicants
une bonne et vieille danse du ventre
pouvait désarçonner le kiné-pilon
tout en me garçonnant aussi sec
or la doctoresse connaissait les ressorts de la médecine
son naturel aurait troué ma danse du ventre
avec la rudesse d’une gomme à encre
l’inconscience de l’angoisse fut brutale
rentrant le pull dans le pantalon
j’empoignai Véronique par la taille
mon geste persuada tout l’immeuble
il se répercuta sur la longueur du couloir
tandis que le kiné-pilon et sa doctoresse
rentraient calmement du restaurant
ils faisaient face à une chenille braillarde
au firmament d’un repas de communion
ils comprirent le pis-aller de mon offensive
lorsque nos regards se croisèrent
la communication des vases se figea
nos demi-défaites se souriaient par la fenêtre
elles auraient voulu s’embrasser
puis le temps reprit son grignotage
en se nourrissant des uns et des autres

Tuesday, October 24, 2006

Hairway to Steven (1/5)

Suite en cinq parties provoquée par la lecture de la nouvelle "Le compère (in memoriam Joris-Karl Huysmans" de Lucien Suel. "Hairway to Steven" a été publié une première fois sur SILO, en juillet 2006, avec Butthole Surfers Radio en fond musical. Les textes sont ici proposés en version musicale spontanée.

Hairway to Steven
(premiers éléments)

premiers éléments_64kbs

debout sur une chaise
on passait les bras au dehors
on se hissait davantage
en grimpant sur la table
la table avait des rhumatismes
et des broches en acier galvanisé
depuis l’époque de la guerre
mais nous étions minces
c’était bien avant notre mariage

debout sur la table
le buste passait par la lucarne
on pouvait en toute tranquillité
claironner comme des passe-murailles
c’était pour les grands soirs
l’ordinaire de tous les jours
c’était debout sur la chaise
pour prendre le sac à beurre
suspendu en plein vent

le sac nous est revenu un soir
percé de morsures suspectes
nous n’avons pas retrouvé le beurre
même au bout de plusieurs jours
l’enquête n’a jamais abouti
en raison de sa difficulté propre
et d’un désaccord fondamental
au sein de notre propre service
il n’y avait pas de chef de service
ce n’était pas comme dans l’ancien temps
c’était de la joie sans queue ni tête

nous avions provoqué l’embuscade
ça tirait sur le sac à beurre
comme aux jeux de force basque
nous ne sommes pas parvenus à voir
Lucien parle de lions il exagère
l’adversaire était massif et habile
voilà notre conclusion formelle
nous avions progressé par l’expérience
puis l’expérience a capitulé
à quoi bon s’esquinter pour un lion
nous n’étions pas des freluquets
nous voulions des passe-murailles
Hairway to Steven