Bernadette
Le porteur était pourvu d’une rangée centrale de fauteuils rouges. Il s’agissait plutôt d’une longue banquette sur laquelle étaient superposés des accoudoirs escamotables. Cette configuration rendait les petites fesses moins encombrantes. Je pris possession de l’emplacement laissé libre à côté de Bernadette. Bernadette était une exquise cinglée qui se disait nonette. Elle portait une longue jupe blanche et des chaussettes beiges. Tantôt son bras caressait mon bras, tantôt ses doigts glissaient dans mes doigts à travers ses gants blancs. Sa fine chevelure rousse était allégée par l’absence de pesanteur. Compte tenu de ce contexte gravitationnel, personne ne souhaitait s’appesantir et la ferveur de l’engagement de Bernadette ne faisait aucun doute. Pour convaincre, il lui suffisait d’exhiber, avec tout le naturel de sa grâce obsessionnelle, le napperon destiné à coiffer sa tête de nonette. L’inconsciente humilité de Bernadette plaçait sa vocation dans les plus hautes strates célestes, à des altitudes où on ne détecte plus la moindre trace de vie humaine. Nous le comprenions comme si nous survolions Dieu et sa clique à bord du porteur. Bernadette nous décrivait le dessus des cieux à travers le hublot. Ce faisant, elle ne décrivait que son napperon mais c’était suffisant pour nous apporter la révélation. Lorsque Bernadette s’est absentée, j’étais paniqué comme au premier jour. Par bonheur, elle est revenue très vite et le vol s’est poursuivi pour les siècles des siècles.
2 Comments:
Ah, cher Mimosa, comme je me sens proche de ma soeur Bernadette !Je vous souhaite une bonne et sainte année.
Merci Mauricette, j'en profite pour vous adresser mes souliers de bonne santé.
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