Sunday, March 19, 2006

Odette

Le frottement cadencé de ma chaussure sur le bar justifierait à lui seul un érotisme des plus débridés.
J’étais assis au bar en face d’Odette. Elle a posé ses pieds sur le bord de la table. Ses souliers étaient rouge et noir à sangle simple. Le hâle de ses chevilles était percé de petits trous espacés comme des étoiles. Odette était majorette. Son bâton tournoyait dans le firmament comme un boomerang à la dérive. Il avait percuté la tête de ma cousine juste avant qu’elle ne devienne bossue. Scandale à Mazingarbe, alors que d’autres bossues terrorisaient les enfants avec des pattes de poulet malodorantes. Bien plus tard, Odette a trébuché. Son bâton lui a barré les chevilles comme les barbelés que les propriétaires terriens dissimulent sournoisement dans les troènes. Si les troènes sont arrogants, si leur vert est si vif, c’est de ne jamais restituer à Odette la moindre miette de peau. Odette exhibe ses stigmates de majorette sous le nez de mon regard affolé. La sono dégouline des grandes vérités jusque sur les parois de nos verres.

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